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Journal de notre éternité de 'peut-être'.
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31 octobre 2007

"La regardant dormir, il conjugua silencieusement le verbe faire l'amour au passé, au présent et, hélas ! Au futur." A. Cohen

On peut bien tout perdre quand on a tout eu. Et si j'étais seule, si plus personne ne me regardait, ne me touchait, si plus personne, jamais, ne m'appréciait, je serais encore bien vivante et plus forte qu'eux tous. Parce que quelqu'un un jour m'a aimée à mourir et à rêver pour moi le meilleur. Je peux bien vivre le pire, pleurer à en crever, il y aura toujours ce rêve éveillé, cet ancien vertige. Celui qui m'a fait princesse m'aimera à jamais et je l'aimerai toujours. Il n'y a eu aucun mensonge dans nos mots d'amour, mais les mots sont partis, ne reste que le mensonge. Il n'y a eu aucun appaisement dans notre amour, mais l'amour est parti, reste son souvenir bien trop clair.

" Solennels parmi les couples sans amour, ils dansaient, d'eux seuls préoccupés, goûtaient l'un à l'autre, soigneux, profonds, perdus. Béate d'être tenue et guidée, elle ignorait le monde, écoutait le bonheur dans ses veines, parfois s'admirant dans les hautes glaces des murs, élégante, émouvante, exceptionnelle, femme aimée, parfois reculant la tête pour mieux le voir qui lui murmurait des merveilles point toujours comprises, car elle le regardait trop, mais toujours de toute son âme approuvées, qui lui murmurait qu'ils étaient amoureux, et elle avait alors un impalpable rire tremblé, voilà, oui, c'était cela, amoureux, et il lui murmurait qu'il se mourait de baiser et bénir les longs cils recourbés, mais non pas ici, plus tard, lorsqu'ils seraient seuls, et alors elle murmurait qu'ils avaient toute la vie, et soudain elle avait peur de lui avoir déplu, trop sûre d'elle, mais non, ô bonheur, il lui souriait et contre lui la gardait et murmurait que tous les soirs, oui, tous les soirs ils se verraient. "
Albert Cohen, Belle du Seigneur

Puis, le temps reprend, on sort de la léthargie, la douleur est trop grande, la souffrance fait trop mal, pour qu'on puisse encore la subir et encore la désirer. C'est là que vient la fin, mais le début seulement, la rupture est longue à venir, et toujours répétée, toujours brutale. La séparation des âmes amoureuses est un déchirement violent, la fin d'une passion; qui laisse, et l'esprit et le corps, vides et inutiles. Il fallait au moins le désir du bonheur et l'été pour survivre au début de la décadence.
Après, un autre amour, la découverte du monde, de la paix, du grandiose. Le coeur bat, à l'unisson d'un autre, et frémissant, encore troublé de la précédente chute, il s'égard encore. Nouvelle perte, et la solitude réveille toutes les souffrances. Un vers de Baudelaire vient narguer l'esprit agacé de sa sensibilité; "cette bouche où mon coeur se noya"; et plus rien ne peut l'en sortir. L'apathie tombe, froide et mortelle, sur le coeur qui s'affole, toute la douleur du monde palpite dans le coeur fragile des anciens amoureux. Le destin tragique d'un monde entier trouve ici un écho démesuré, alors on rend le sang à la Terre. La douleur disparue, dissimulée par une folie grandissante, éveille une peur insensée, le sang comme une offrande, comme un lien avec la vie. Après avoir pleurer, après avoir saigné, après s'être épuisée de douleur, les retrouvailles éclairent la bêtise. Mais rien ne peut être sauver si l'on ne tue pas la folie première.

"Il y a du silence au cimetière où dorment les anciens amants et leurs amantes. Ils sont bien sages maintenant, les pauvres. Finies, les attentes des lettres, finies les nuits exaltées, finis les battements moites des jeunes corps. Au grand dortoir, tout ça. Tous allongés, ces régiments de silencieux rigolards osseux qui furent de vifs amants. Tristes et seuls au cimetière, les amants et leurs belles."
Albert Cohen

Après j'ai fait l'amour avec des gens que je n'ai jamais aimé, et chaque fois que je faisais l'amour avec un être différent je changeais, je me transformait, et j'aimais être autre au contact d'un autre. Cela importait peu, qui, il suffisait de plaire et, ensuite, d'exister, nouveau lien à la vie, la chair. C'était là s'éveiller à quelquechose d'autre en soi, s'échapper de soi, jouer pour ne plus être. Et je ne suis pas sure d'avoir aimé en étant aimée aussi un être corps et âme. Maintenant peut-être que c'est arrivé ou que ça arrivera, mais après il n'y aura plus rien, une fois arrivée au sommet de l'amour; et peut-être enfin libérée de lui; il n'y aura plus rien à faire que redescendre. La décadence est toujours douloureuse, il aurait fallu repousser encore, infiniment, le moment de se déclarer amoureuse une dernière fois, ou l'empêcher, lui, d'être trop aimant et préserver sa froideur. Car après avoir touché l'idéal il volera de lui-même en morceaux et il ne restera que la peur encore une fois.
La peur de perdre et l'amour et la liberté et de voir sa vie enchaînée à un être et aux bienséances.
L'amour est voué à l'échec, la passion ne peut survivre, les sentiments sont douleur.
Bonheur d'échouer toujours et de toujours essayer de recoudre, l'éternité et l'ivresse n'existe que dans la passion, la joie est dans les sentiments.
Paradoxal état humain.

Raconter une fois sa vie puis se taire. Aimer une fois et se tuer,tuer tout ce qui, en nous, à aimer cette fois là. Il n'y a plus à la fin de possibilité d'amour. Là les mots et la folie, là le silence et la paix, là le désir. Rien après, rien avant.

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